Le mentor oublié derrière un lauréat du prix Nobel
Et le père de l'instrumentation d'automatisation de la Chine
Le Dr Chen-Ning Yang est largement reconnu comme un physicien lauréat du prix Nobel. Mais derrière son génie se cachait une figure moins connue : son premier mentor, le professeur Wang Zhuxi. Au-delà de son ancrage intellectuel, Wang Zhuxi a été un pionnier de l'instrumentation d'automatisation en Chine, jetant les bases de technologies qui propulsent aujourd'hui les industries du monde entier.
Jeunesse et parcours académique
Né le 7 juin 1911 dans le comté de Gong'an, province du Hubei, au crépuscule de la dynastie Qing, Wang Zhuxi fut un prodige dès son plus jeune âge. Après le lycée, il fut admis à l'Université Tsinghua et à l'Université nationale centrale, où il choisit finalement d'étudier la physique.
Bénéficiant d'une bourse gouvernementale, il a ensuite étudié la physique statistique à l'Université de Cambridge, s'immergeant ainsi dans le monde de la science théorique moderne. De retour en Chine, Wang a été nommé professeur de physique à l'Université nationale associée du Sud-Ouest à Kunming, à seulement 27 ans.
Étapes clés :
• 1911 : Naissance à Hubei
• Années 1930 : Université Tsinghua
• 1938 : études à Cambridge
• 1938 : Professeur à 27 ans
Leadership académique et service national
Après la fondation de la République populaire de Chine, le professeur Wang a assumé une série de rôles universitaires et administratifs influents :
- Chef du département de physiqueà l'Université Tsinghua
- Directeur de la physique théoriqueet plus tardvice-présidentà l'Université de Pékin
Sa carrière fut brutalement interrompue par la Révolution culturelle. Envoyé dans une ferme de travail forcé de la province du Jiangxi, Wang fut exclu du monde universitaire. Ce n'est qu'en 1972, lorsque son ancien élève Chen-Ning Yang retourna en Chine et adressa une pétition au Premier ministre Zhou Enlai, que Wang fut retrouvé et ramené à Pékin.
Là, il a travaillé discrètement sur un projet linguistique : la compilation du nouveau dictionnaire de caractères chinois basé sur les radicaux, bien loin de ses recherches antérieures en physique.
Un retour à la science : les fondements de la mesure du débit
En 1974, Wang a été invité par le vice-président Shen de l'Université de Pékin à revenir au travail scientifique, plus précisément pour aider une nouvelle génération de chercheurs à comprendre les fonctions de pondération, un concept essentiel à la technologie émergente des débitmètres électromagnétiques.
Pourquoi les fonctions de pondération sont importantes
À l'époque, les débitmètres électromagnétiques industriels étaient volumineux, complexes et coûteux, reposant sur des champs magnétiques uniformes et une excitation sinusoïdale à la fréquence du réseau. Ces débitmètres nécessitaient des longueurs de capteur trois fois supérieures au diamètre du tuyau, ce qui les rendait difficiles à installer et à entretenir.
Les fonctions de pondération ont offert un nouveau modèle théorique, permettant des conceptions de capteurs moins affectées par les profils de vitesse d'écoulement, et donc plus compactes et robustes. Dans les conduites partiellement remplies, elles ont permis de corréler les variations de hauteur de fluide avec des mesures précises de débit et de surface, jetant ainsi les bases de l'interprétation moderne des signaux dans les débitmètres électromagnétiques.
Une conférence historique à Kaifeng
En juin 1975, après avoir compilé un manuscrit détaillé, le professeur Wang s'est rendu à l'usine d'instruments de Kaifeng pour donner une conférence de deux jours qui allait changer le cours du développement de l'instrumentation chinoise.
Une arrivée modeste
Le matin du 4 juin, il est arrivé vêtu d'un costume marron délavé, portant une mallette noire à poignée enveloppée dans un tube en plastique jaune. Sans moyen de transport, il a passé la nuit dans une maison d'hôtes spartiate : sans salle de bain, sans climatisation, juste une moustiquaire et un lit en bois.
Malgré ces conditions modestes, sa conférence, fondée, rigoureuse et tournée vers l’avenir, a eu un impact profond sur les ingénieurs et les chercheurs de l’usine.
Héritage et influence à travers la Chine
Après la conférence, le professeur Wang a maintenu des contacts étroits avec l'usine d'instruments de Kaifeng, offrant des conseils sur les plans expérimentaux de débitmètres à champ magnétique non uniforme. Ses enseignements ont suscité une vague d'innovation et de collaboration :
Institut d'instrumentation thermique de Shanghai
En partenariat avec l'Institut de technologie Huazhong (Prof. Kuang Shuo) et l'usine d'instruments Kaifeng (Ma Zhongyuan)
Usine d'instruments de Shanghai Guanghua
Projets conjoints avec l'Université Jiao Tong de Shanghai (Huang Baosen, Shen Haijin)
Usine d'instruments de Tianjin n° 3
Collaboration avec l'Université de Tianjin (Prof. Kuang Jianhong)
Ces initiatives ont fait progresser les capacités de la Chine en matière de mesure du débit et ont contribué à faire passer le domaine de la conception empirique à l’innovation axée sur la théorie.
Une contribution durable à une industrie mondiale
Aujourd'hui, la Chine se classe parmi les leaders mondiaux de la production de débitmètres électromagnétiques, avec des technologies appliquées dans des secteurs allant du traitement de l'eau et de la pétrochimie à la transformation des aliments et aux produits pharmaceutiques.
Une grande partie de ces progrès peut être attribuée à la théorie pionnière et au dévouement indéfectible du professeur Wang Zhuxi, un homme qui a encadré des lauréats du prix Nobel, a enduré la persécution politique et a révolutionné discrètement une industrie.
Même si son nom n’est pas très connu, son héritage est profondément ancré dans les appareils qui mesurent, régulent et alimentent le monde moderne.
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Date de publication : 22 mai 2025